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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/210

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— Un humoriste dit que, puisqu’il ne faut pas nommer les points de chute des bombes, on devrait les appeler, un doigt sur les lèvres : « Les points de Chut ! »

— Les raids mettent en relief le rôle capital de l’orgueil et de la fanfaronnade. Les invités d’une même table n’osent pas descendre à la cave. Nul — surtout parmi les convives mâles — ne consent à faire acte de prudence, à donner le signal. Au théâtre, on a pu voir la quasi-totalité d’une salle rester exposée, niaisement, tandis que chacun souhaitait d’être à l’abri et restait pour les voisins, animés eux-mêmes d’un identique désir. L’amour-propre plus fort que la mort !

— Le 15. À 1 h. 45, formidable explosion. Chacun croit que sa maison saute. Un énorme champignon de fumée blanche pousse dans le ciel pur. Quinze millions de grenades viennent de sauter à la Courneuve, près Saint-Denis. On annonce officiellement 30 morts. À la Chambre, on dit : 800 victimes.

— Le 16. On arrête des gens qui, par téléphone, ont prévenu que, la Courneuve brûlant encore, il y aura peut-être d’autres explosions dont il ne faudra pas s’émouvoir.

— On m’affirme que les agressions se multiplient le soir. On attaque des couples, des gens en auto. Beaucoup n’osent plus sortir à la nuit. C’est vraiment le retour aux tire-laines, au moyen âge. Les journaux sont muets là-dessus.

— On arrête des gens qui citent publiquement, pour la Courneuve, un nombre de victimes supérieur au chiffre officiel.

— Tous ceux qui descendent dans des caves disent la tristesse des ragots, les domestiques étalent leur prodigieuse connaissance de la vie de leurs patrons, etc.