Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


NOVEMBRE 1918


— Le 1er . On me fait traverser les Champs-Élysées, la Concorde, où la foule s’amasse autour des canons allemands. « La Foire de la mort », me dit Mme  X… Il y a toujours un soldat qui explique la manœuvre. Beaucoup d’enfants qui font jouer manettes et leviers. Dans ces badauds, y en a-t-il qui pensent : « C’est peut-être ce canon-là qui a tué mon fils ? » Non.

— Le 1er . On me dit à 7 heures du soir que l’Autriche accepte les conditions de l’armistice, qui comportent, en particulier, le libre passage des Alliés sur son territoire. Il y a chez les gens une stupeur heureuse. Une phrase revient souvent : « Qui aurait cru cela il y a quatre mois ? » Mais on n’ose pas trop se réjouir, à cause de cette honte qu’on a mise depuis quatre ans sur le désir de la paix.

On continue, même dans les milieux informés, à ne rien savoir. La dictature de l’ignorance.

— Grand effort de presse pour donner à ce déboulonnement un sens uniquement militaire. Le stratège de l’Œuvre déploie une ingénieuse subtilité pour démontrer que la Turquie a été vaincue par les armes. Il en est de même, dit-il, de la Bulgarie. On prépare l’Histoire. Tant pis pour la vérité. Et aussi pour les générations futures. Car cette apothéose du massacre amorce les armements futurs.