Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

5o Les batailles se gagnaient en un jour. Elles sont indécises au bout de 6 mois.

— Que le patriote intégral est donc un animal ombrageux ! Dit-on devant lui que la France bâfre plus que jamais ? Il s’offense, car il veut que la guerre soit toute belle et toute digne. Dit-on qu’il faudrait se restreindre et se priver ? il s’offense encore, car il ne veut pas que la guerre porte atteinte à la vie générale de la France.

— Fidèle à ses vues, la Censure supprime une phrase de journal où la guerre était traitée de « folie de l’humanité ». Il ne faut pas que la guerre soit une folie. Comment pourrait-on maintenir les gens dans la folie ?

— On apprend le décret qui nomme Joffre maréchal. Le secret de la décision, prise évidemment au Conseil du 26, a été bien gardé.

— Personne n’est donc frappé de ce fait que, plus un journal est réactionnaire, plus il veut la guerre et que, plus il est républicain, moins il la veut ?

— Joffre fait demander par téléphone au Gouvernement de Paris d’habiter l’appartement des maréchaux à l’École Militaire.

— Franklin-Bouillon déclare à un journal italien que la France « a horreur de la paix ». Peut-on feindre d’ignorer que toute conversation de rue, de magasin, de métro, témoigne du désir de la fin ?

— Mon concierge, dont le fils doit bientôt passer adjudant, consulte tous les jours l’Officiel pour y découvrir cette promotion. Et alors que défilent les gros événements, les échanges de notes pour la Paix, il me dit chaque matin, quand je le croise dans l’escalier : « Toujours rien. »

— Cet effacement de Joffre — car, en le nommant Maréchal, on abroge les décrets du 2 décembre 1915 qui le nommait généralissime et du 13 décembre 1916