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Histoire d’un paysan.

Devant des gradins de bois, un homme un costume dans une position fière. Derrière les gradins, plusieurs personnes le regardent.
Mirabeau

sante ; les curés avaient entraîné leurs évêques, et les évêques eux-même étaient presque tous revenus au bon sens.

Un seul ecclésiastique, l’abbé Maury, le fils d’un cordonnier du Comtat-Venaissin, se sentait blessé dans sa dignité, d’être confondu parmi les députés du tiers. On voit pourtant des choses singulières en ce monde !

Malgré cet abbé, le plus opposé de son ordre à la réunion, on se communiqua les pièces, on prononça quelques discours pour se féliciter les uns et les autres, après quoi la séance fut levée, pour être continuée le lendemain mardi, à neuf heures, au lieu ordinaire des assemblées, c’est-à-dire dans la salle des Menus.

Nous arrivons donc au 23, jour de la séance royale.

Le matin, en me levant et poussant les volets, je vis qu’il allait faire un temps abominable, il ne pleuvait pas encore, mais tout était gris au ciel. Cela n’empêchait pas la rue de fourmiller de monde. Quelques instants après, le père Gérard monta pour déjeuner, puis M. le curé Jacques. Nous étions en costume de cérémonie, comme le jour de notre première réunion. Qu’est-ce que cette séance royale signifiait ? Qu’est-ce qu’on avait à nous dire ? Depuis la veille, on savait déjà que les Suisses et les gardes-françaises étaient sous les armes. Le bruit avait aussi cour que six régiments s’avançaient sur Versailles. En déjeunant, nous entendions les patrouilles monter et descendre la rue Saint-François. Gérard pensait qu’on allait faire un mauvais coup, un