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Histoire d’un paysan.

Le 20 juin 1792. (Page 204.)
Le 20 juin 1792. (Page 204.)

partirent de tous les côtés, ils gagnèrent jusqu’aux casernes, et les soldats du régiment de Poitou, qui venait de remplacer celui d’Auvergne, parurent aux fenêtres, agitant leurs grands chapeaux en l’air. Les chandelles couraient de chambrée en chambrée ; les sentinelles, en bas, levaient aussi leurs chapeaux à la pointe des baïonnettes ; on s’arrêtait, on se serrait la main en criant :

« C’est fini, la guerre est déclarée. »

Tout le monde avait la fièvre, malgré la pluie fine qui remplissait l’air comme un brouillard.

Marguerite était descendue de sa chaise ; je m’avançai vers elle à travers la foule ; elle me tendit la main et me dit, la figure encore tout animée :

« Eh bien, Michel, nous allons nous battre ? »

Et je lui répondis :

« Oui, Marguerite. Je pensais comme ton père ; mais puisque les autres nous attaquent, nous défendrons nos droits jusqu’à la mort. »

Je tenais sa main serrée, et je la regardais dans l’admiration : car elle me paraissait encore plus belle avec ses joues un peu rouges et ses grands yeux noirs pleins de courage, quand Chauvel, la tête nue et ses cheveux plats collés sur le front par la pluie, arriva du dehors avec cinq ou six autres des meilleurs patriotes, qu’il était allé prévenir.

« Ah ! c’est vous, dit-il, en nous voyant dans la boutique, la pluie ne vous a pas retenus… Bon… je suis content… nous allons être réunis.