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Histoire d’un paysan.

Les représentants de l’Assemblée nationale. (Page 231.)
Les représentants de l’Assemblée nationale. (Page 231.)

Lisbeth !… ma sœur Lisbeth, que je n’avais pas vue depuis son départ pour Wasselonne, en 1783. Je lui crie :

« Que fais-tu là ? »

Elle se retourne, les joues rouges, des yeux luisants à force d’enthousiasme pour le pillage, et me dit :

« Tiens ! c’est toi, Michel ! Tu es volontaire ? »

— Oui. Mais qu’est-ce que tu fais là, malheureuse ?

— Ah ! dit-elle, ça n’est rien. »

En même temps le volontaire sortit et referma la porte du magasin.

Je vis qu’il avait peur de moi, car tout de suite il dit :

« Nous allons mener ça au quartier général ; ça sera toujours autant de sauvé du pillage. »

C’était un homme du midi, brun, carré, la moustache et les favoris noirs. Alors Lisbeth se mit à rire, en lui criant :

« C’est mon frère !… c’est mon frère !… »

Et tout de suite il me dit :

« Vous êtes le frère de ma femme ? Touchez-là, beau-frère ! »

Tous deux riaient, en emmenant leur voiture aussi vite que possible, et regardant si personne ne nous suivait.

Lisbeth tapait sur son petit cheval à tour de bras et son mari allongeait le pas à côté, en murmurant :

« Le général réquisitionne !… pourquoi donc est-ce qu’on ne réquisitionnerait pas aussi ?

— Hue !… hue !… »

J’étais indigné de cette rapine abominable,