Page:Erckmann–Chatrian — Histoire d’un paysan.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
Histoire d’un paysan.

M. Robin es assis derrière son bureau, sur lequel sont posés sept gros registres. Derrière sa grande chaise, se tiennent Michel et un autre jeune homme. Michel regarde ce que M. Robin est en train d’écrire sur le registre ouvert et tend un doigt vers la page en geste d’incitation. M. Robin lève la main gauche.
« Hé ! hé ! hé ! rendez donc service ! rendez donc service ! » (Page 39.)

notre bon roi n’a-t-il pas rendu l’état civil aux luthériens, aux calvinistes et même aux juifs ? Vous devriez pourtant le savoir ! Nommons Chauvel et ne nous inquiétons pas du reste. Je vous réponds qu’il nous fera plus de bien et plus d’honneur que cinquante capucins ; qu’il défendra nos intérêts avec un grand bon sens et un grand courage. Ce sera l’honneur des trois Baraques, croyez-moi. Hé ! Catherine, encore une cruche. »

Les autres étaient encore dans le doute ; mais lorsque maître Jean remplit les verres et qu’il dit :

« C’est mon dernier mot ; si vous ne nommez pas Chauvel, je refuse ; si vous le nommez, j’accepte : — À la santé de notre bon roi ! »

Tous furent comme attendris, en répétant :

« À la santé de notre bon roi ! »

Et quand ils eurent bu, Létumier, d’un air grave, dit :

« Ce sera dur à faire avaler aux femmes ; mais du moment que c’est comme ça, maître Leroux, voici ma main.

— Et voici la mienne, » fit un autre en se penchant.

Ainsi de suite tout autour de la table. Après quoi on vida la cruche, et chacun se leva pour retourner à la maison. — C’étaient les notables, nous étions sûrs que tous les autres feraient comme eux.

« L’affaire est donc entendue ! leur criait maître Jean, tout joyeux sur sa porte.

— C’est entendu ! » disaient-ils en s’en allant, et pataugeant à travers la boue.