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ROMANS NATIONAUX

Tout le bataillon descendit au Rhin. (Page 35.)


de confiance en moi. Chaque soir nous causions au coin du feu ; le pasteur arrivait, et les jeunes filles elles-mêmes descendaient pour écouler. Elles étaient blondes avec des yeux bleus ; l’une pouvait avoir dix-huit ans, l’autre vingt ; je leur trouvais un air de ressemblance avec Catherine qui me remuait le cœur.

On savait que j’avais une amoureuse au pays, parce que je n’avais pu m’empêcher de le dire, et cela les attendrissait.

Le maître de poste se plaignait amèrement des Français ; le pasteur disait que c’était une nation vaniteuse et peu chaste, et que, par ces motifs, toute l’Allemagne allait se lever contre nous ; qu’on était las des mauvaises mœurs de nos soldats et de l’avidité de nos généraux, et qu’on avait formé le Tugend-Dund[1] pour nous combattre.

« Dans les premiers temps, me disait-il, vous nous parliez de Liberté, nous aimions à entendre cela, et nos vœux étaient plutôt pour vos armées que pour celles du roi de Prusse et de l’empereur d’Autriche ; vous faisiez la guerre à nos soldats et non pas à nous ; vous souteniez des idées que tout le monde trouvait justes et grandes, et voilà pourquoi vous n’aviez pas affaire aux peuples, mais à leurs maîtres. Aujourd’hui, c’est bien différent, toute l’Allemagne va marcher, toute la jeunesse va se lever, et c’est nous qui parlerons de Liberté, de Vertu, de Justice à la France. Celui qui parle de ces choses est toujours le plus fort, parce qu’il n’a

  1. Lien de la vertu.