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HISTOIRE D’UN CONSCRIT DE 1815.

Nous le vîmes debout sur une table. (Page 07.)


Napoléon aime tant la guerre, qu’on ne peut plus se confier en rien.

« Tout se qui me fait du plaisir, c’est de savoir que ta blessure n’est pas dangereuse et que tu m’aimes encore… Ah ! Joseph, moi je t’aimerai toujours, je ne peux pas dire autre chose ; c’est tout ce que je peux te dire dans le fond de mon cœur, et je sais aussi que ma mère t’aime bien.

« Maintenant, M. Goulden veut t’écrire quelques mots, et je t’embrasse mille et mille fois.

— Il fait bien beau temps ici ; nous aurons une bonne année. Le grand pommier du verger est tout blanc de fleurs ; je vais en cueillir que je mettrai pour toi dans la lettre quand M. Goulden aura écrit. Peut-être, avec la grâce de Dieu, nous mordrons encore une fois ensemble dans une de ses grosses pommes. Embrasse-moi comme je t’embrasse, et adieu, adieu, Joseph ! »

En lisant cela, je fondais en larmes, et Zimmer étant arrivé, je lui dis :

« Tiens, assieds-toi, je vais te lire ce que m’écrit mon amoureuse ; tu verras après si c’est une Margrédel.

— Laisse-moi seulement allumer ma pipe. » répondit-il.

Il mit le couvercle sur l’amadou, puis il ajouta :

« Tu peux commencer, Joséphel ; mais je t’en préviens, moi, je suis un ancien, je ne crois pas tout ce qu’on écrit… les femmes sont plus fines que nous. »

Malgré cela, je lui lus la lettre de Catherine lentement. Il ne disait rien et quand j’eus fini.