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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/130

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L’AMI FRITZ.

maison, pour repasser les couteaux et les ciseaux de la ville, chose qui l’ennuya beaucoup, car il avait encore sommeil.

À chaque instant, le babillage des commères venait interrompre le sifflement de la roue ; puis c’était le caniche qui grondait, puis l’âne qui se mettait à braire, puis une discussion qui s’engageait sur le prix du repassage ; puis autre chose.

« Que le diable t’emporte ! pensait Kobus. Est-ce que le bourgmestre ne devrait pas défendre ces choses-là ? Le dernier paysan peut dormir à son aise, et de bons bourgeois sont éveillés à huit heures, par la négligence de l’autorité. »

Tout à coup Higuebic se mit à crier d’une voix nasillarde : « Couteaux, ciseaux à repasser ! »

Alors il n’y tint plus et se leva furieux.

« Il faudra que je parle de cela, se dit-il ; je porterai l’affaire devant la justice de paix. Ce Higuebic finirait par croire que le coin de ma maison est à lui ; depuis quarante-cinq ans qu’il nous ennuie tous, mon grand-père, mon père et moi, c’est assez ; il est temps que cela finisse ! »

Ainsi rêvait Kobus en s’habillant ; l’habitude de dormir à la ferme, sans autre bruit que le murmure du feuillage, l’avait gâté. Mais après le déjeuné il ne songeait plus à cette misère. L’idée lui vint de mettre en bouteilles deux tonnes de