Aller au contenu

Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
L’AMI FRITZ.

dépit, avec ta façon de rire, tu me feras sauver de ta maison. Tu ne peux donc pas être grave une fois, une seule fois dans ta vie ?

— Allons, posché-isroel, disait Fritz à son tour, assieds-toi, vidons encore un petit verre de ce vieux kirsch.

— Que ce kirschenwasser me soit du poison, disait le vieux rebbe fort dépité, si je reviens encore une fois chez toi ! ta façon de rire est tellement bête, tellement bête, que ça me tourne sur le cœur.

Et la tête roide, il descendait l’escalier en criant :

« C’est la dernière fois, Kobus, la dernière fois !

— Bah ! disait Fritz, penché sur la rampe et les joues épanouies de plaisir, tu reviendras demain.

— Jamais !

— Demain, David ; tu sais, la bouteille est encore à moitié pleine. »

Le vieux rabbin remontait la rue à grands pas, marmottant dans sa barbe grise, et Fritz, heureux comme un roi, renfermait la bouteille dans l’armoire et se disait :

« Ça fait la vingt-troisième ! Ah ! vieux posché-isroel, m’as-tu fait du bon sang ! »