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L’AMI FRITZ.

Fritz n’en put entendre davantage, ses grosses joues pâlissaient de colère ; il se leva, prit rudement le watchman au collet, et le jeta dehors en criant :

« Cela t’apprendra à entrer chez un honnête homme, la nuit de Noël ! »

Puis, il vint se rasseoir, et, comme le bohémien tremblait :

« Ne crains rien, lui dit-il, tu es chez Fritz Kobus. Bois, mange en paix, si tu veux me faire plaisir. »

Il lui fit boire du vin de Bordeaux ; et, sachant que Foux guettait toujours dans la rue, malgré la neige, il dit à Katel de préparer un bon lit à cet homme pour la nuit ; de lui donner le lendemain des souliers et de vieux habits, et de ne pas le renvoyer sans avoir eu soin de lui mettre encore un bon morceau dans la poche.

Foux attendit jusqu’au dernier coup de la messe, puis il se retira ; et le bohémien, qui n’était autre que Iôsef, étant parti de bonne heure, il ne fut plus question de cette affaire.

Kobus lui-même l’avait oubliée, quand, aux premiers jours du printemps de l’année suivante, étant au lit un beau matin, il entendit à la porte de sa chambre une douce musique : — c’était la pauvre alouette qu’il avait sauvée dans les neiges,