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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/334

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L’AMI FRITZ.

Fritz, sans répondre, lui entoura le cou de ses deux bras, et ils s’embrassèrent :

« Je suis bien malheureux ! dit-il.

— Toi, malheureux ?

— Oui, le plus malheureux des hommes.

— Ne dis pas cela, fit le vieux David, ne dis pas cela… tu me déchires le cœur ! Que t’est-il donc arrivé ?

— Tu ne te moqueras pas de moi, David… je t’ai bien manqué… j’ai souvent ri de toi… je n’ai pas eu les égards que je devais au plus vieil ami de mon père… Tu ne te moqueras pas de moi, n’est-ce pas ?

— Mais, Kobus, au nom du ciel ! s’écria le vieux rebbe prêt à fondre en larmes, ne parle pas de ces choses… Tu ne m’as jamais fait que du plaisir… tu ne m’as jamais chagriné… au contraire… au contraire… Ça me réjouissait de te voir rire… dis-moi seulement…

— Tu me promets de ne pas te moquer de moi ?

— Me moquer de toi ! ai-je donc si mauvais cœur, de me moquer des chagrins véritables de mon meilleur ami ? Ah ! Kobus ! »

Alors Fritz éclata :

« C’était ma seule joie, David ; je ne pensais plus qu’à elle… et voilà qu’on la donne à un autre !