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L’AMI FRITZ.

yeux écarquillés, et Iôsef, de temps en temps murmurait des paroles confuses.

« Que penses-tu de cela, Iôsef ? dit à la fin Kobus au bohémien.

— Je pense comme le rebbe David, dit-il, mais je ne peux pas me marier, puisque j’aime le grand air, et que mes petits pourraient mourir sur la route. »

Fritz était devenu’ rêveur.

« Oui, il ne parle pas mal, pour un vieux posché-isroel, fit-il en riant ; mais je m’en tiens à mon idée, je suis garçon et je resterai garçon.

— Toi ! s’écria David. Eh bien ! écoute ceci, Kobus ; je n’ai jamais fait le prophète, mais, aujourd’hui je te prédis que tu te marieras.

— Que je me marierai, ha ! ha ! ha ! David, tu ne me connais pas encore.

— Tu te marieras ! s’écria le vieux rebbe, en nasillant d’un air ironique, tu te marieras !

— Je parierais que non.

— Ne parie pas, Kobus, tu perdrais.

— Eh bien, si… je te parie… voyons… je te parie mon coin de vigne du Sonneberg ; tu sais, ce petit clos qui produit de si bon vin blanc, mon meilleur vin, et que tu connais, rebbe, je te le parie…

— Contre quoi ?

— Contre rien du tout.