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L’AMI FRITZ.

à notre aide. On devrait défendre la chasse des petits oiseaux ; moi, j’ai toujours défendu de dénicher les moineaux de la ferme : ça nous pille beaucoup de grain, mais ça nous en sauve encore plus.

— Oui, reprit Fritz, voilà comment tout marche dans ce bas monde : les insectes dévorent les plantes, les oiseaux dévorent les insectes, et nous mangeons les oiseaux avec le reste. Depuis le commencement, les choses ont été arrangées pour que nous mangions tout : nous avons trente-deux dents pour cela ; les unes pointues, les autres tranchantes, et les autres, ce qu’on appelle les grosses dents, pour écraser. Cela prouve que nous sommes les rois de la terre. — Mais écoutez, Christel !… qu’est-ce que c’est ?

— Ça, c’est la grosse cloche de Hunebourg qui sonne midi, le son entre là-bas dans la vallée, près de la roche des Tourterelles. »

Ils se mirent à redescendre, et, sur le bord de la rivière, à cent pas de la ferme, l’anabaptiste, s’arrêtant de nouveau, dit :

« Monsieur Kobus, voici l’idée dont je vous parlais tout à l’heure. Voyez comme la rivière est basse ici ; tous les ans, à la fonte des neiges, ou quand il tombe une grande averse en été, la rivière déborde ; elle avance de cent pas au moins