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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/97

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L’AMI FRITZ.

ler les ouvriers, les gens de la ferme aller et venir, mener le bétail à la rivière, piocher le jardin, la mère Orchel semer des haricots, et Sûzel entrer dans l’étable avec un petit cuveau de sapin bien propre, pour traire les vaches, ce qu’elle faisait le matin vers sept heures, et le soir à huit heures après le souper.

Souvent alors il descendait, afin de jouir de ce spectacle, car il avait fini par prendre goût au bétail, et c’était un véritable plaisir pour lui, de voir ces bonnes vaches, calmes et paisibles, se retourner à l’approche de la petite Sûzel, avec leurs museaux roses ou bleuâtres, et se mettre à mugir en chœur comme pour la saluer.

« Allons, Schwartz, allons, Horni… retournez-vous… laissez-moi passer ! » leur criait Sûzel en les poussant de sa petite main potelée.

Ils ne la quittaient pas de l’œil, tant ils l’aimaient ; et quand, assise sur son tabouret de bois à trois pieds, elle se mettait à traire, la grande Blanche ou la petite Roesel se retournaient sans cesse pour lui donner un coup de langue, ce qui la fâchait plus qu’on ne peut dire.

« Je n’en viendrai jamais à bout, c’est fini ! » s’écriait-elle.

Et Fritz, regardant cela par la lucarne, riait de bon cœur.