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LE BOUC D’ISRAEL.

On eût dit une vieille chouette déplumée. (Page 79.)

Une fureur sacrée et presque divine s’était emparée de moi. Je ne voyais pas l’abîme, je marchais sur la corniche comme un chat.

Le bouc, lui, me voyant approcher, me regarda fixement, puis s’en alla plus loin.

« Hé ! m’écriai-je, tu as beau fuir, tu ne m’échapperas pas, maudit, je te tiens !

— Christian ! Christian ! ne cessait de répéter Élias d’une voix gémissante, au nom du ciel, ne t’expose pas ainsi !

— Tais-toi, incrédule, tais-toi, tu es indigne que je me dévoue pour ton bonheur. Mais ton ami Christian ne recule jamais, il faut que Hazazel périsse ! »

Un peu plus loin, la corniche se rétrécissait et finissait en pointe.

Le bouc, m’ayant regardé pour la deuxième fois, se retira de nouveau devant moi, mais non sans hésiter.

« Ah ! tu commences à comprendre, lui dis-je. Oui, oui, quand je te tiendrai là-bas dans le coin, il faudra bien que tu descendes ! »

En effet, arrivé tout au bout, à l’endroit où la corniche manque, Hazazel parut fort embarrassé. Moi, je m’approchais, transporté d’un saint enthousiasme, et riant d’avance de la belle chute qu’il allait faire.

Je le voyais à quatre pas, et j’affermissais ma main à la souche d’un houx incrusté dans le roc, pour lancer mon coup de pied.

« Regarde, Élias, regarde le maudit ! » m’écriai-je.

Mais en ce moment je reçus dans le ventre un coup furieux, un coup de tête qui m’aurait