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LA MAISON FORESTIÈRE.


Durant plus d’un quart d’heure nous restâmes silencieux. ( Page 18.)


C’est toujours beau, mais on finit tout de même par en avoir assez. Ce qu’il y a de pire, c’est que dans une église vous voyez sainte Catherine et sainte Madeleine avec des cheveux blonds, et dans une autre avec des cheveux noirs ou bruns, de sorte qu’on ne reconnaît jamais la véritable. »

Ainsi parlait le vieux garde, d’un ton de conviction qui me charmait ; son jugement avait autant de poids à mes yeux que celui du docteur Everbeck de Tubingue, le plus fameux critique en matière d’art de toute l’Allemagne. Mais c’est surtout l’opinion de Loïse que j’aurais voulu connaître ; je n’osais la lui demander. et pourtant j’en avais un désir extrême.

« Voyez le bon sens de cette petite, me dit un jour le père Frantz : hier matin, en revenant du Grinderwald, je rêvais tout le long de la route à notre portrait, et je me demandais comment un peu de vert, de jaune ou de rouge sur du gris, peut représenter des personnes tellement bien, qu’on croirait les voir longtemps encore après qu’elles sont mortes. Plus je rêvais à cela, moins je comprenais la chose. En ouvrant la cour, je vois Loïse en train de donner à manger aux poules. « Hé ! Loïse, que je lui dis, fais-moi le plaisir, si tu peux, de me dire pourquoi notre portrait est plus beau que celui de sainte Catherine, de l’église de Pirmasens ? — Mon Dieu, grand-père, c’est parce qu’il est vivant. — Vivant ! — Hé ! oui ! ce n’est pas votre figure ni la mienne que M. Théodore a voulu peindre, ni les feuilles de vigne à la fenêtre, ni le jour derrière, c’est