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LA MAISON FORESTIÈRE.

Longtemps il sanglota. (Page 54.)


avait mis le feu lui-même, et ne bougea point, sachant qu’il ne pouvait rien faire ni rien empêcher. Il regardait, muet d’épouvante. Mais ce qui finit par lui déchirer le cœur, ce furent les hennissements des chevaux restés aux écuries, et les hurlements plaintifs des chiens qu’il avait attachés lui-même dans leurs niches : ils arrivaient à lui par-dessus le lac, comme des pleurs sans fin, et l’on pouvait se figurer leurs souffrances à la chaleur toujours croissante de cette fournaise.

Honeck en devint fou ! il resta fou Dieu sait combien de temps. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, de pauvres bûcherons de Lembach le recueillirent, et qu’à la suite des temps, ayant recouvré la raison, et reconnaissant les grands enseignements de ces choses, il ne voulut pas redevenir le valet d’un seigneur, et se fit bûcheron à Hômatt, aux environs de Pirmasens ; il prit une vie simple et laborieuse, épousa la fille d’un bûcheron comme lui, et en eut des enfants.

Je descends de ce Honeck.

Comme il avait sans doute de grandes fautes à expier, mais pas assez grandes pour que ses descendants eussent le sort de ceux du Burckar son maître, notre famille fut affligée seulement d’une sorte d’infirmité passagère : tous les automnes, l’un de nous tombe dans un sommeil profond qui dure de deux à trois jours ; cela correspond à l’époque de la grande chasse où périt Hàsoum et de l’incendie du Veierschloss.

Et si vous voulez savoir le fond de tout cela,