Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sur la place, pleuraient comme pour un enterrement. À droite, près de l’Hôtel de Ville, le capitaine Vidal, à cheval sur sa petite jument grise, causait avec deux officiers d’infanterie. Les sergents faisaient l’appel et l’on répondait.

On appela Zébédé, Furst, Klipfel, Bertha, nous répondîmes comme les autres ; puis le capitaine commanda : « Marche ! » et nous partîmes deux à deux vers la porte de France.

Au coin du boulanger Spitz, une vieille, au premier, cria de sa fenêtre, d’une voix étranglée :

« Kasper ! Kasper ! »

C’était la grand-mère de Zébédé ; son menton tremblait. Zébédé leva la main sans répondre ; il était aussi bien triste et baissait la tête.

Moi, je frémissais d’avance de passer devant chez nous. En arrivant là, mes jambes fléchissaient, j’entendis aussi quelqu’un crier des fenêtres, mais je tournai la tête du côté de l’auberge du Bœuf-Rouge ; le bruit des tambours couvrait tout.

Les enfants couraient derrière nous en criant :

« Les voilà qui partent… Tiens, voilà Klipfel, voilà Joseph ! »

Sous la porte de France, les hommes de garde