Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/127

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Nous allions par une longue rue tortueuse, et tout à coup, en dehors des glacis, nous fûmes près du Rhin couvert de glace à perte de vue. C’était quelque chose de magnifique et d’éblouissant.

Tout le bataillon descendit au Rhin, que nous traversâmes. Nous n’étions pas seuls sur le fleuve ; devant nous, à cinq ou six cents pas, un convoi de poudre, conduit par des soldats du train, gagnait la route de Francfort. La glace n’était pas glissante, mais couverte d’une espèce de givre raboteux.

En arrivant sur l’autre rive, on nous fit prendre un chemin tournant entre deux petites côtes.

Nous continuâmes à marcher ainsi durant cinq heures. Tantôt à droite, tantôt à gauche, nous découvrions des villages, et Zébédé, qui marchait près de moi, me disait :

« Puisqu’il a fallu partir, j’aime autant que ce soit pour la guerre. Au moins, nous voyons tous les jours du nouveau. Si nous avons le bonheur de revenir, nous pourrons en raconter de toutes sortes

— Oui, mais j’aimerais beaucoup mieux en savoir moins, lui disais-je ; j’aimerais mieux vivre pour mon propre compte que pour le compte des autres, qui sont tranquillement chez