Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de broussailles et de haies vives. Déjà, quelques instants avant, j’avais aperçu plus loin, de l’autre côté, quelque chose remuer et reluire comme des épis où passe le vent ; l’idée m’était venue que les Russes, avec leurs lances et leurs sabres, pouvaient bien être là ; j’avais pourtant de la peine à le croire. Mais, au moment où nos tirailleurs s’approchaient des bruyères, et comme la fusillade s’engageait en plusieurs endroits, je vis clairement que c’étaient des lances. Presque aussitôt un éclair brilla juste en face de nous et le canon tonna. Ces Russes avaient des canons, ils venaient de tirer sur nous, et je ne sais quel bruit m’ayant fait tourner la tête, je vis que dans les rangs à gauche, se trouvait un vide.

En même temps j’entendis le colonel Zapfel qui disait tranquillement :

« Serrez les rangs ! »

Cela s’était fait si vite que je n’eus pas le temps de réfléchir. Mais cinquante pas plus loin il y eut encore un éclair et un bruit pareil dans les rangs, — comme un grand souffle qui passe, — et je vis encore un trou, cette fois à droite.

Et comme, après chaque coup de canon des Russes,