Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/249

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de sorte qu’ils se font des balafres à la figure, comme me l’a raconté Zimmer, mais il n’y a jamais de danger pour leur vie. Cela montre le bon sens de ces étudiants, qui savent très bien que la vie est une chose précieuse, et qu’il vaut mieux avoir cinq ou six balafres et même davantage que de la perdre. Zimmer riait en me racontant ces choses ; son amour de la gloire l’aveuglait ; il disait qu’on ferait aussi bien de charger les canons avec des pommes cuites que de se battre avec ces lattes rondes au bout. Enfin nous entrâmes dans la salle, et nous vîmes le plus vieux d’entre ces étudiants — un grand sec, les yeux creux, le nez jaune, la barbe blonde commençant à déteindre en jaune, à force d’avoir été lavée par la bière -, nous le vîmes debout sur une table, et lisant tout haut une gazette qui lui pendait en forme de tablier dans la main droite. Il tenait de l’autre main une longue pipe de porcelaine. Tous ses camarades, avec leurs cheveux blonds retombant en boucles sur le collet de leur petite redingote, l’écoutaient la chope en l’air. Au moment où nous entrions, nous les entendîmes qui répétaient entre eux : « Faterland ! Faterland ! » Ils trinquaient avec les soldats saxons, pendant