Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/259

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Tout le pays est contre nous, disait-il ; les bourgeois nous font mauvaise mine, les femmes nous tournent le dos, les paysans veulent nous noyer, les aubergistes nous refusent le crédit, comme si nous ne les avions pas conquis trois ou quatre fois ; et tout cela vient de notre bonté tout à fait extraordinaire : nous aurions dû déclarer que nous sommes les maîtres ! — Nous avons accordé aux Allemands des rois et des princes ; nous avons même fait des ducs, des comtes et des barons avec les noms de leurs villages, nous les lavons comblés d’honneur, et voilà maintenant leur reconnaissance ! « Au lieu de nous ordonner de respecter les populations, on devrait nous laisser pleins pouvoirs sur le monde ; alors tous ces bandits changeraient de figure et nous feraient bonne mine comme en 1806. La force est tout. On fait d’abord les conscrits par force ; car si on ne les forçait pas à partir, tous resteraient à la maison. Avec les conscrits on fait des soldats par force, en leur expliquant la discipline ; avec des soldats on gagne des batailles par force, et alors les gens vous donnent tout par force : ils vous dressent des arcs de triomphe et vous appellent des héros, parce qu’ils ont peur. Voilà ! «