Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/320

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nuit lorsque le maréchal Ney amena, de je ne sais où, du renfort : ce qui restait de la division Ricard et de la deuxième de Souham. Tous les débris de nos régiments se réunirent, et l’on rejeta les Russes de l’autre côté du vieux pont, qui n’avait plus de rampe à force d’avoir été mitraillé. On plaça sur ce pont six pièces de douze, et jusqu’à sept heures on se canonna dans cet endroit. Les restes du bataillon et de quelques autres en arrière soutenaient les pièces, et je me rappelle que leur feu s’étendait sous le pont comme des éclairs, et qu’on voyait alors les chevaux et les hommes tués s’engouffrer pêle-mêle sous les arches sombres. Cela ne durait qu’une seconde, mais c’étaient de terribles visions ! Â sept heures et demie, comme des masses de cavalerie s’avançaient sur notre gauche, et qu’on les voyait tourbillonner autour de deux grands carrés qui se retiraient pas à pas, nous reçûmes enfin l’ordre de la retraite. Il ne restait plus que deux ou trois mille hommes à Schoenfeld avec les six pièces. Nous revînmes à Kohlgarten sans être poursuivis, et nous allâmes bivaquer autour de Rendnitz. Zébédé vivait encore ; comme nous marchions l’un près de l’autre en silence depuis vingt minutes, écoutant la canonnade qui continuait du côté de