Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/52

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rendrait tout à fait malheureux. Écoute Joseph, prends les clefs pendues derrière la porté, et vas-y ; cela vaudra mieux. Moi, je vais tâcher de me remettre, de dormir un peu.. Si je pouvais dormir une heure ou deux, cela me ferait du bien

— C’est bon, monsieur Goulden, lui dis-je, je pars tout de suite. »

Après avoir mis du bois au fourneau, je pris le manteau et les moufles, je tirai les rideaux du lit de M. Goulden, et je sortis, le trousseau de clefs dans ma poche. L’indisposition du père Melchior me chagrinait bien un peu, mais une idée me consolait ; je me disais en moi-même : « Tu vas grimper sur le clocher de la ville, et tu verras de là-haut la maison de Catherine et de la tante Grédel. » En songeant à cela j’arrivai chez le sonneur de cloches Brainstein, qui demeurait au coin de la petite place, dans une vieille baraque décrépite ; ses deux garçons étaient tisserands, et dans ce vieux nid on entendait grincer les métiers et siffler les navettes du matin au soir. La grand-mère, tellement vieille qu’on ne voyait plus ses yeux, dormait dans un antique fauteuil, au haut duquel perchait une pie. Le père Brainstein, quand il n’avait pas à sonner les cloches pour un baptême, un enterrement ou un mariage, lisait dans