Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/70

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et toutes leurs grandes idées de gloire ne sont rien, car il n’y a qu’une chose pour laquelle un peuple doit marcher — les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards --, c’est quand on attaque notre Liberté, comme en 92 ; alors on meurt ensemble ou l’on gagne ensemble ; celui qui reste en arrière est un lâche ; il veut que les autres se battent pour lui… la victoire n’est pas pour quelques-uns, elle est pour tous, le fils et le père défendent leur famille ; s’ils sont tués, c’est un malheur, mais ils sont morts pour leurs droits. Voilà, Joseph, la seule guerre juste, où personne ne peut se plaindre ; toutes les autres sont honteuses, et la gloire qu’elles rapportent n’est pas la gloire d’un homme, c’est la gloire d’une bête sauvage ! »

Ainsi me parlait le bon M. Goulden, et je pensais bien comme lui.

Mais tout à coup, le 8 janvier, on mit une grande affiche à la mairie, où l’on voyait que l’Empereur allait lever, avec un sénatus-consulte, comme on disait dans ce temps-là, d’abord 150000 conscrits de 1813, ensuite 100 cohortes du premier ban de 1812, qui se croyaient déjà réchappées, ensuite 100000 conscrits de 1809 à 1812, et ainsi de suite jusqu’à la fin, de sorte que tous les trous seraient bouchés, et que même nous aurions une