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L’AMI FRITZ.

« Allons, allons, tout cela prend une assez bonne tournure ; et si nous avons des habits un peu passables, je commence à croire que les Prussiens auront tort de se moquer de nous.

— Mais, au nom du ciel, dit Katel, ne me parlez donc pas toujours de vos Prussiens ! de pauvres diables qui n’ont pas dix thalers en poche, et qui se mettent tout sur le dos, pour avoir l’air de quelque chose. Nous sommes d’autres gens ! nous savons où reposer notre tête le soir, et ce n’est pas sur un caillou, Dieu merci ! Et nous savons aussi où trouver une bouteille de bon vin, quand il nous plaît d’en boire une. Nous sommes des gens connus, établis ; quand on parle de M. Kobus, on sait que sa ferme est à Meisenthâl, son bois de hêtres à Michelsberg…

— Sans doute, sans doute ; mais ce sont de beaux hommes ces officiers prussiens, avec leurs grandes moustaches, et plus d’une jeune fille en les voyant…

— Ne croyez donc pas les filles si bêtes, interrompit Katel, qui tirait alors de l’armoire plusieurs habits, et les étalait sur la commode ; les filles savent aussi faire la différence d’un oiseau qui passe dans le ciel, et d’un autre qui tourne à la broche ; le plus grand nombre aiment à se