Page:Erckmann-Chatrian - L’Ami Fritz.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
L’AMI FRITZ.

À chaque instant, de nouveaux venus paraissaient sur le seuil. Ils jetaient un coup d’œil dans la salle, puis s’en allaient, ou bien entraient.

Fritz fit apporter une bouteille de rudesheim en attendant le dîner. Il regardait d’un air ennuyé, la magnifique tapisserie bleu indigo et jaune d’ocre, représentant la Suisse et ses glaciers, Guillaume Tell visant la pomme sur la tête de son fils, puis repoussant du pied, dans le lac, la barque de Gessler. Il songeait toujours à Sûzel.

Hâan et Schoultz trouvaient le vin bon.

En ce moment un chant s’éleva dehors, et presque aussitôt les vitres furent obscurcies par l’ombre d’une grande voiture, puis d’une autre qui la suivait.

Tout le monde se mit aux fenêtres.

C’étaient des paysans qui partaient pour l’Amérique. Leurs voitures étaient chargées de vieilles armoires, de bois de lit, de matelas, de chaises, de commodes. De grandes toiles, étendues sur des cerceaux, couvraient le tout. Sous ces toiles, de petits enfants assis sur des bottes de paille, et de pauvres vieilles toutes décrépites, les cheveux blancs comme du lin, regardaient d’un air calme ; tandis que cinq ou six rosses, la croupe couverte de peaux de chien, tiraient lentement. Derrière