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L’AMI FRITZ.

une régularité merveilleuse, comme une bobine dans son dévidoir ; il arrivait si juste à la mesure, que tout le monde en était ravi.

Mais c’est Fritz et la petite Sûzel qui faisaient l’admiration universelle, à cause de leur grâce et de leur air bienheureux. Ils n’étaient plus sur la terre, ils se berçaient dans le ciel ; cette musique qui chantait, qui riait, qui célébrait le bonheur, l’enthousiasme, l’amour, semblait avoir été faite pour eux : toute la salle les contemplait, et eux ne voyaient plus qu’eux-mêmes. On les trouvait si beaux, que parfois un murmure d’admiration courait dans la Madame Hütte ; on aurait dit que tout allait éclater ; mais le bonheur d’entendre la valse forçait les gens de se taire. Ce n’est qu’au moment où Hâan, devenu comme fou d’enthousiasme en contemplant la grande fille du bourgmestre, se dressa sur la pointe des pieds et la fit pirouetter deux fois, en criant d’une voix retentissante : « You ! » et qu’il retomba d’aplomb après ce tour de force ; et qu’au même instant Schoultz levant sa jambe droite, la fit passer, sans manquer la mesure au-dessus de la tête de sa petite rousse, et que d’une voix rauque, en tournant comme un véritable possédé, il se mit à crier : « You ! you ! you ! you ! you ! you ! » ce