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L’AMI FRITZ.

Lang avait cette année-là sa grande entreprise du pont de pierre sur la Lauter, entre Hunebourg et Biewerkirch ; il ne put donc surveiller les travaux ; mais Fritz, installé chez l’anabaptiste, dans la belle chambre du premier, se chargea de ce soin.

Ses deux fenêtres s’ouvraient sur le toit du hangar ; il n’avait pas même besoin de se lever pour voir où l’ouvrage en était ; car de son lit il découvrait d’un coup d’œil la rivière, le verger en face et la côte au-dessus. C’était comme fait exprès pour lui.

Au petit jour, quand le coq lançait son cri dans la vallée encore toute grise, et qu’au loin, bien loin, les échos du Bichelberg lui répondaient dans le silence ; quand Mopsel se retournait dans sa niche, après avoir lancé deux ou trois aboiements ; quand la haute grive faisait entendre sa première note dans les bois sonores ; puis, quand tout se taisait de nouveau quelques secondes : que les feuilles se mettaient à frissonner, — sans que l’on ait jamais su pourquoi, et comme pour saluer, elles aussi, le père de la lumière et de la vie, — et qu’une sorte de pâleur s’étendait dans le ciel, alors Kobus s’éveillait ; il avait entendu ces choses avant d’ouvrir les yeux et regardait.