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Le brigadier Frédéric.

Puis, s’étant assise, elle commença, selon l’habitude, à prier.

Maintenant, Georges, qu’est-ce que je puis encore te dire sur ces choses, qui me déchirent le cœur quand j’y pense ?

Jean Merlin passa toute la journée avec nous, Marie-Rose fit un aussi bon dîner que possible, dans notre position ; elle mit son beau bonnet et son fichu de soie bleue, pour être agréable aux yeux de celui qu’elle aimait.

Il me semble encore la voir assise à table près de la grand’mère, en face de son fiancé, lui souriant comme en un jour de fête. Il me semble entendre Jean parler des nouvelles d’Orléans, des chances heureuses de la guerre, qui ne sont pas toujours pour les mêmes.

Ensuite, après le dîner, pendant que la grand’mère rêve dans son fauteuil, je vois les enfants assis l’un à côté de l’autre, près de la petite fenêtre, se regardant, se tenant par la main, et causant à voix basse, tantôt tristes, tantôt gais, comme il arrive aux amoureux.

Moi, je vais, je viens, je fume des pipes, songeant à l’avenir. J’écoute le bourdonnement du cabaret ; et me rappelant le danger de partir, les