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Le brigadier Frédéric.

sur la porte, où la lune couverte de nuages jetait à peine un pâle rayon, nous nous embrassâmes aussi.

« Tu n’as besoin de rien ? lui dis-je, car j’avais mis quelque cinquante francs dans ma poche.

— Non, dit-il, j’ai ce qu’il me faut ! »

Nous nous serrions les mains, sans pouvoir nous lâcher, et nous nous regardions jusqu’au fond de l’âme.

Et comme je sentais mes joues trembler :

« Allons, mon père, dit-il d’une voix frémissante, du courage… nous sommes des hommes ! »

Puis il partit à grands pas.

Je le regardai s’enfoncer dans la nuit noire, en le bénissant du cœur. Il me semble l’avoir vu se retourner au coin du sentier des roches, agitant son chapeau, mais je n’en suis pas sûr.

Quand je rentrai, Marie-Rose, assise sur une chaise près de la fenêtre ouverte, pleurait la tête dans ses mains. La pauvre enfant avait eu du courage jusqu’à la dernière minute, mais alors son cœur fondait en larmes.