Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

176
Le brigadier Frédéric.

Ykel, qui prenait part à tous nos chagrins, me dit le jour même :

« Écoutez, brigadier, ce que je vous avais prédit arrive, Ces Allemands vous en veulent à mort, parce que vous avez refusé d’accepter du service chez eux, et que votre gendre est allé rejoindre les républicains… S’ils pouvaient vous chasser et même vous exterminer, ils le feraient ; mais ils veulent encore se donner des airs de justice, de grandeur ; c’est pourquoi ils vous dépouilleront jusqu’à la chemise, pour vous forcer de partir, comme ils disent, de bonne volonté ! Croyez-moi, débarrassez-vous bien vite de votre fourrage, car un de ces quatre matins ils viendront le réquisitionner, en disant que celui qui n’a pas de vaches n’a pas besoin de foin. Et surtout ne racontez pas que je vous ai donné ce conseil ! »

Je compris qu’il avait raison ; dès le lendemain mon fenil était vide : Gaspard Diederich, Hulot, Jean Adam, le grand Starck, tous les voisins étaient venus le soir enlever notre provision par bottes ; de cette façon j’eus quelques francs en réserve. Starck me céda même une de ses chèvres, qui nous rendit les plus grands services ;