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Le brigadier Frédéric.

quinze ou vingt ans avant aux dames de Saverne, et de grands chapeaux garnis de roses en papier, sur leurs cheveux jaunes, nattés comme les queues de nos grands pères.

Et ces gens parlaient toute espèce d’allemand difficile à comprendre. Ils avaient aussi des figures de toute sorte, les unes grosses et bouffies, la barbe vénérable ; d’autres en lame de rasoir, la vieille polonaise boutonnée jusqu’au menton, pour cacher la chemise ; des êtres aux yeux gris-clair, les favoris roux, durs et hérissés ; d’autres petits, ronds, vifs, allant, courant, se démenant ; mais tous, à la vue de notre belle vallée, poussaient des cris d’admiration et levaient les mains, hommes, femmes, enfants, comme on raconte des Juifs à leur entrée dans la terre promise.

Ainsi venaient ces gens de toutes les parties de l’Allemagne ; ils avaient pris les chemins de fer jusqu’à la frontière ; mais toutes nos lignes étant alors occupées par leurs troupes, leurs convois de vivres et de munitions, à partir de Wissembourg ou de Soultz, ils étaient forcés de se faire trimbaler en charrette, à la mode d’Alsace.