Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/154

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Le mot d’apogée, c’est l’aveu de l’impuissance humaine : c’est l’irréfutable preuve de notre faiblesse au milieu de la force universelle ; c’est la fin de non-recevoir au moyen de laquelle nous trompons constamment notre vaniteuse curiosité ; c’est la tenture de pourpre et d’or, c’est le voile de fleurs que nous étalons complaisamment sur le mur d’impasse de notre vie mortelle. L’apogée de Paris, l’illustration de la France, le nec plus ultrà de la Civilisation, autant de mots pompeux pour lesquels bien des honnêtes gens se font hacher menu, pauvre chair à canon !


VIII.   Eh ! pour Dieu, pour ton Dieu quel qu’il soit, et que t’importe à toi, pauvre manœuvre, que Paris soit la plus riche des capitales ? Que te revient-il de ses brillants festins, Homme venu libre sur la terre et réduit maintenant à mendier les plus pénibles travaux ?

Homme déshérité, mon frère en Christ et en Révolution ! Quand tu passes devant une statue de marbre aux seins luisants... dis-moi, t’agenouilles-tu devant elle ? baises-tu ses pieds froids ? couronnes-tu de fleurs sa tête dure ? essaies-tu de l’animer ? veux-tu mourir près d’elle, ou vivre, par elle, d’extase, comme le royal artiste Pygmalion ? — Ou bien encore, frère ! quand l’ami préféré tombe, pour le droit, sur nos trônes de barricades, te couches-tu sur son corps chaud ? cherches-tu à le désaltérer avec le sel de tes larmes, à le réveiller par le bruit de tes sanglots, à le rappeler enfin, plein de souffrances, dans ce misérable monde des vivants ?

Non, mon frère, non ! Car tu vois que les divines formes de la statue s’éraillent et se lézardent. Car tu sais que les cadavres deviennent froids bientôt, et qu’on s’épuiserait à les étreindre sans leur faire rouvrir les yeux ! Non, mon frère, non ! Tu accordes à la statue qui s’écroule, au cadavre qui se putréfie, les éloges mérités par l’artiste qui