Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/291

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IV.   Les ruines d’une société ne restent pas non plus sans emploi. — Je ne sache rien de plus profitable au mouvement général que les décombres des civilisations. Croit-on bien qu’il n’y ait là que fûts de colonnes, temples, édifices brisés, codes enfouis dans la poussière, blancs squelettes de législateurs, de philosophes et de gouvernants ? On ne peut croire cela. Toutes les ruines ne restent pas sous terre comme celle de Pompéïes et d’Herculanum. Et encore celles-là sont visitées par des chercheurs de vérités, par des philosophes-prophètes qui s’écrient : « Je vous salue, ruines solitaires, tombeaux saints ! C’est vous que j’invoque, c’est à vous que j’adresse ma prière ! Oui, tandis que votre aspect repousse, d’un secret effroi les regards du vulgaire, mon cœur trouve à vous contempler le charme de mille sentiments et de mille pensées. Combien d’utiles sentiments, de réflexions touchantes et fortes n’offrez-vous pas à l’esprit de qui sait vous consulter ! » (Volney)

Dans les ruines, en effet, il y a tout ce qui sert aux transformations ; sans ruines il n’y aurait pas de reconstructions possibles. Et les ruines où trône l’Injustice moins sur les hommes quand elles sont couchées que quand elles sont encore debout. Les mondes sortent des décombres ; la lumière, des ténèbres ; les hommes qui sont sur le sol, de ceux qui sont dessous ; ce qui est éternellement produit de ce qui est éternellement consommé : les cieux de la terre ; les chairs pleines de sang, des os disséqués par les fourmis !

Les ruines subissent autant de transformations que les cadavres. Les peuples neufs qui arrivent sur les débris d’une civilisation sont des agents transformateurs comme le ver qui rampe dans les anfractuosités du crâne humain. Ces peuples remuent tout : ils confondent leurs tendances nouvelles avec les institutions en décadence, marient leurs