Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/367

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Je vois, sur leurs rivages, des squelettes humains, des haches d’abordage, des coutelas, des ancres rouillées que le flot rapporte à la terre d’où ils étaient sortis. — Il semble que parfois la mer ait des remords !

Le goéland crie : Désolation et Mort ! Des pêcheurs mornes tendent leurs filets le long des côtes et semblent affaissés sous le poids de cette grandeur sombrée !

Dans la plus grande de ces îles, des bandes insurgées parcourent les campagnes, incendiant châteaux et fabriques, sonnant le tocsin, brisant les machines, coupant les rails des chemins et les fils des télégraphes, égorgeant et pillant. Ils manquent de pain et de travail ; ils sont nus. Il faut qu’ils vivent. Ils chantent le refrain des Rebeccaïtes et des tisserands de Sheffield. Leur nom répand l’effroi !

Je vois les grandes villes soulevées, l’épouvantable anarchie battant des ailes sur les maisons qui croulent. Les ouvriers de Whitechapel et de Saint-Giles mettent la Banque à sac ; ils forcent les boutiques ; ils pénètrent, armés de couteaux et de cognées, dans les boudoirs parfumés de l’aristocratie ; aux chairs roses des grandes dames, ils frottent leurs chairs vertes de cuivre, noires de plomb et de houille. Saint-Paul est le quartier-général du gouvernement insurrectionnel. Tous les métiers sont en grève. La Tamise charrie tant de cadavres qu’on peut distinguer des stries de sang au milieu de ses eaux grises ! !




— Fils de l’homme, que vois-tu encore ?

— Je vois au Nord de cette grande île, dans l’Écosse coupée de montagnes touffues, les dernières troupes fidèles à la cause royale : les fusiliers d’Écosse, les Scotch Greys, les Life Guards et des régiments détachés de différents