Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/381

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— Fils de l’homme, pourquoi rester muet ? Est-ce la crainte, est-ce l’amour de la patrie qui paralysent ta langue ? Pourquoi donc hésiter à dire ce que tu vois ?

— J’ai rejeté toute crainte loin de moi ; je ne suis troublé par aucune prévention nationale ; depuis longtemps j’ai détaché mon âme des patries actuelles où l’on souffre la Servitude et l’Injustice. Mais l’avenir s’obscurcit ; les événements s’y pressent en foule, et je ne puis y lire comme je le faisais tout-à-l’heure.

— Prends courage, fils de l’homme, et achève de dire ce que tu vois.

— Je vois l’Allemagne et les Pays-Bas en feu. Deux armées s’y rencontrent : celle des races franco-latines, commandées par la France, et celle des races slaves, commandées par la Russie. Dans la première, qui vient des pays du soleil, sont les Français, irrésistibles au premier choc, les Belges patients, les beaux hommes d’Italie, les Suisses redoutables dans la mêlée, les détachements anglais restés au service de la France, de nombreux alliés de la rive gauche du Rhin, les races allemandes de l’empire d’Autriche. Une confusion extrême règne dans ce camp : on y parle mille langues, on y déploie mille couleurs, on s’y partage des conquêtes qu’on ne fera jamais, on s’y dispute les commandements ; personne ne se croit dans l’obligation d’exécuter des ordres. — Dans la seconde armée, celle qui vient du Nord, je revois tous les peuples qui m’avaient apparu déjà sur les bords du golfe de Finlande. Ils se préparent à l’invasion ; ils sont tremblants sous leurs chefs. Une main sanglante les conduit !