Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/388

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médecins. Dans chaque lit il y a deux agonisants, et les lits sont serrés les uns contre les autres. Jamais ces tristes voûtes n’entendirent tant de râles de mort ; jamais les eaux de la Seine, qui battent les pierres vertes de l’Hôtel-Dieu, ne charrièrent plus de cadavres ; mais le drapeau noir ne flotta plus longtemps au fronton du sombre asile !

La Famine, la Peste et la Guerre ont été invoquées ; elles sont venues et se sont acclimatées dans nos campagnes. Le Meurtre aux bras nerveux, la Mort économe de temps, les suivent, moissonnant des victimes. Les Maladies chroniques, les maigres Regrets, les Désespoirs éplorés glanent après eux dans le sein des familles. Il semble que jamais le rire, la joie et les fêtes n’aient existé dans ce pays. Jamais on ne connut anarchie, mortalité semblables ! Le rat ne veut plus de chair humaine ! !

Au coin de chaque rue, derrière chaque haie, le pauvre armé d’un coutelas attend au passage le riche, de quelque nation qu’il soit. Chacun se fait justice selon ses intérêts. Le Patriotisme, la Religion, le Dévouement servent de prétexte aux plus audacieux brigandages. Barbares et Civilisés s’unissent en vue du pillage et partagent loyalement le butin. Des bandes de Jacques parcourent les provinces ; les arbres fléchissent sous le poids des pendus !

Les hommes sont pris de folie. Il paraît des fanatiques qui se croient appelés à régénérer les nations, et qu’on renferme dans des maisons de fous. Des amis tuent leurs amis, parce que toute affection est devenue soupçonneuse ; des mères tuent leurs enfants, parce qu’elles ne peuvent plus les nourrir ; des amants se disputent un dernier morceau de pain. Il y a des suicides inouïs.

Toutes les relations sociales sont interrompues. L’In-