Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/404

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jours divisée au-dedans, toujours menacée au-dehors, elle n’a par elle-même aucune consistance et dépend du caprice de ses voisins. »

Et socialement, la Pologne, comme les autres nations slaves, n’était rien qu’une république unitaire, divisée en une aristocratie numériquement très-faible et une population de serfs innombrables. Le gouvernement monarchique électif, qui représentait cet ordre de choses, était dur aux pauvres, despotique, ennemi des réformes et du bien-être général autant que puisse l’être l’absolutisme le plus cruel. Dans les guerres d’indépendance que soutinrent contre la Russie les nobles de Pologne, jamais il ne fut question d’améliorer le sort du peuple, mais seulement de conserver à l’aristocratie tous les privilèges nationaux. En Pologne, la masse déshéritée n’a rien perdu, je m’assure, à l’œuvre d’iniquité de Catherine-la-Grande, de Frédéric et de Kaunitz. Sa nationalité lui fût-elle conservée, le peuple polonais n’en serait pas moins courbé comme devant sous la tyrannie féodale de ses hauts-barons. Et d’autre part, que fussent devenus les Slaves russes isolés des peuples de leur race ? Comment leurs idées se seraient-elles modifiées ? Qui eût déposé dans leurs cœurs ce levain de liberté qui doit y fermenter bientôt ?

La conquête russe fut un événement providentiel pour les Slaves ; ils seront bien plus forts, réunis, qu’ils ne pouvaient l’être sous des despotismes différents. Les esclaves ont toujours à gagner aux circonstances violentes qui les placent sous un joug unique ; ils peuvent mieux se concerter pour se venger. Plus la tyrannie est pesante, plus elle est absolue, plus aussi elle surexcite les haines des peuples, plus elle les pousse à des efforts surhumains pour conquérir leur délivrance.

Impuissant est l’absolutisme à rompre les liens naturels qui unissent les hommes. S’il parvient souvent à armer les