Page:Ernest Renan - Cantique des cantiques, Calmann-Levy, 1884.djvu/147

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Il est évident qu’aucun rapprochement ne peut être établi entre les produits d’un mysticisme aussi avancé et un drame pastoral qui n’a, comme le nôtre, aucune physionomie religieuse. Et d’abord, si l’auteur avait eu réellement quelque prétention théologique, ce n’est pas la forme dramatique qu’il eût choisie ; la forme lyrique convient seule à ces sortes de débauches métaphysiques. À quelles invraisemblances, d’ailleurs, ne s’expose-t-on pas en plaçant un grand développement de théologie transcendante en Judée, au xe siècle avant Jésus-Christ ! Rien ne fut jamais plus éloigné du mysticisme que l’ancien esprit hébreu, que l’esprit arabe, et, en général, que l’esprit sémitique. L’idée de mettre en rapport le créateur avec la créature, la supposition qu’ils peuvent être amoureux l’un de l’autre, et les mille raffinements de ce genre où le mysticisme hindou et le mysticisme chrétien se sont donné carrière, sont aux antipodes de la conception sévère du dieu sémitique. Il n’est pas douteux que de telles