Page:Ernest Renan - Cantique des cantiques, Calmann-Levy, 1884.djvu/173

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tribué en rien à améliorer l’humanité. Mais le sentiment profond qui joue un rôle si essentiel dans l’histoire du progrès de la morale ne doit pas être confondu avec cette jouissance inférieure, reste de l’humanité sensuelle que la civilisation a vaincue. Après le devoir, l’amour, tel que les grandes races l’ont transformé, a été le principal mobile d’ennoblissement, le plus puissant levier pour élever l’espèce humaine vers un idéal plus parfait. Il ne faut pas le mettre au premier rang des dieux ; mais il ne faut pas non plus rabaisser au niveau des choses terrestres le sentiment grâce auquel un rayon a lui sur les fronts les plus ternis par l’égoïsme, une illusion a traversé les vies les plus mornes, un fugitif moment de poésie a tiré de leur humilité les plus vulgaires natures. L’amour grandit ou diminue selon que les éléments nobles de l’humanité s’élèvent ou s’avilissent. Aux basses époques, l’on ne sait même pas aimer ; et sans doute, si, à défaut de l’honneur, notre âge de plomb avait conservé du moins la vigueur des