Page:Ernest Renan - Le livre de Job, Calmann-Levy, 1860.djvu/94

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conception patriarcale revient et pèse sur lui de tout son poids ; le spectacle de la misère de l’homme, les lentes destructions de la nature, cette horrible indifférence de la mort qui frappe sans distinction le juste et le coupable, l’homme heureux et l’infortuné[1], le ramènent au désespoir. Dans l’épilogue, il retombe purement et simplement dans la théorie qu’il a un moment essayé de dépasser. Job est vengé : sa fortune lui est rendue au double ; il meurt vieux et rassasié de jours.

On peut dire qu’abandonné à lui-même, l’esprit juif ne sortit jamais complètement de ce cercle fatal. Le poëme de Job n’est pas le seul monument où percent l’inquiétude et l’embarras, suites inévitables de l’imperfection des idées juives sur les fins dernières. Deux psaumes, le xxxviie et le lxxiiie expri-

    conforme au texte hébreu. Le verbe en hébreu est à la troisième personne, et la traduction littérale serait : Et denique super terram stabit (vindex meus).

  1. Voir p. 91-92.