III
Le CHOEUR est rangé vers le tombeau de Daréios. ATOSSA, sans parures, descend les marches du palais. Derrière elle, ses SUIVANTES portent les offrandes pour le sacrifice.
Amis, qui a l’expérience de l’adversité sait bien que pour les hommes, quand les a roulés la vague du malheur, tout devient de l’épouvante ; mais quand le destin leur sourit, ils croient qu’ils vogueront toujours au vent de la fortune. Pour moi, maintenant, tout est plein de terreur ; dans les yeux, je n’ai que la vision de la haine des Dieux, dans les oreilles je n’ai que le bruit des clameurs de la déroute : tant nos désastres ont effrayé mon esprit et l’ont égaré ! Aussi, de mes demeures, je suis revenue en cette place, sans litière, maintenant, et sans parures ; et, pour le père de mon enfant, j’apporte les libations propitiatoires, faites de ce qui est doux aux morts : le lait blanc, breuvage heureux pris à une vache pure, et le miel brillant, don limpide de celle qui butine les fleurs ; voici les ondes fraîches d’une source virginale ; et, sans mélange, voici la boisson née d’une mère agreste, joie de la vigne antique. J’ai encore le fruit parfumé de l’olivier blond, dont les feuilles gardent toujours la vie, et j’ai des fleurs tressées, filles de la terre féconde. Mais, ô amis, à mes libations joignez les hymnes qui concilient les morts, évoquez le divin Daréios, et moi je verserai sur la terre qui les boira ces libations dont j’honore les Dieux funèbres.