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VIE D'ESOPE 263

chaux, donnez nous du bois et toutes autres choses propres pour bastir. » Nectenabo, voyant ces rustres ainsi monter en haut par le moyen des aigles, dit: « D'où sont venus ces hommes volans? » Esope res- pondit : >« Lycurgus en a de tels, et toy, jaçoit que tu sois homme, tu te veux comparer à un roy sem- blable aux dieux. » Nectenabo iuy dit : « Esope, je suis vaincu. » Un peu de temps après, Esope s'en alla en Delphos, auquel lieu on ne tint guïeres compte de Iuy, et ne Iuy firent honneur, comme on Iuy avoit faict aux autres lieux, dont il leur dist publiquement : « Il me semble, en vous voyant, que je voy du bois qui est bien avant en la mer: car, quand il est agité des vagues, il nous est advis qu'il est bien gros, mais quand il est prés de nous, nous le trouvons fort petit. El moy, quand j'estoye loin de vostre ville je vous avois en admiration ; maii depuis que suis arrivé icy, je vous ay trouvés plus inuiiies que tous les autres, parquoy j'ay esté deceu.» Les Delphiens, oyans ce propos, furent tellement indignés contre Iuy, qu'ils prindrent une phiole d'ar- gent dans le temple d'Apollo estant en leur ville, et puis la mirent secrettement en sa malette. Esope, ignorant ce, sortant de la ville, fut suyvi et, estant trouvé saisi d'icelle phiole, fut ramené dans la ville, et par la fausse accusation et imposition envers Iuy faite, fut condamné comme sacrilege, parquoy le jetterent du haut d'un roc en bas. Telle fut sa fin sans avoir mesfait.

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