Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce nom, il faudra renoncer à appeler ainsi la doctrine de Campanella, celle de Morus et celle de Platon ; mais laissons cette querelle — cette politique égalitaire, disonsnous, a eu, par les passions tout ou moins qu’elle a suscitées, sa part d’action dans le soulèvement révolutionnaire. Plusieurs des hommes qui ont figuré au premier rang parmi les acteurs du grand drame, girondins aussi bien que montagnards, en ont été les partisans. Comment se fait-il dès lors que la Révolution française, de la distance où nous la regardons, nous paraisse dans son ensemble aussi peu socialiste, et comment se fait-il qu’elle aboutisse à une diffusion et à une consolidation de la propriété individuelle ? Voilà le problème qui s’impose à nous. Plus particulièrement, quelle a été l’économie sociale de la Révolution ? De quelles doctrines s’est-elle inspirée ? A-t-elle eu en vue les principes dont nous venons de voir grandir l’autorité ? Si ces principes ont été rappelés et invoqués dans ses assemblées, et ils l’ont été presque chaque jour, s’ils figurent en toutes lettres dans ses constitutions, dans quelle mesure en a-t-elle tenu compte pratiquement ? Qu’a-t-elle fait pour réaliser le programme presque unanime des philosophes, pour changer l’assiette de la propriété, pour assurer la circu-

    fer. Nos pères ont résolu leur question sociale qui n’était pas celle que nous avons à résoudre, mais c’était bien une question sociale et quand on attaquait les droits féodaux on faisait du socialisme, car ces droits passaient alors pour une propriété aussi sacrée que l’est aujourd’hui n’importe quelle propriété. Seulement le mot socialisme n’a paru qu’en notre siècle et dans l’usage il ne s’applique qu’à la réforme, quant à la propriété, de la société issue de la Révolution. Est-il illégitime de donner à ce mot une application rétrospective ? N’est-il pas naturel au contraire d’appeler socialistes les penseurs qui ont voulu réformer l’ancien régime en tant que système de propriété ? » On verra plus loin que la Révolution n’a pas poursuivi seulement la destruction de la propriété féodale et qu’elle a voulu en général la destruction de toute richesse dépassant le nécessaire.