Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/191

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préparaient à poser sur la façade de leur hôpital, il leur répondit : « Ce n’est pas sans une peine très vive que j’ai vu des philosophes tels que vous entreprendre de consacrer par des inscriptions irréfléchies le mensonge et notre honte. Hôpital de la Réunion et de la Fraternité ! Quelle imposture ! puisque les pauvres seuls seront réduits à s’y rendre. Maison destinée à soulager l’humanité souffrante ! O opprobre ineffaçable de notre siècle ! Républicains inconsidérés ! Doit-il y avoir une partie quelconque de l’humanité qui soit en souffrance ? N’est-ce pas là un de nos derniers crimes qu’il faut s’empresser de réparer ? Mettez donc au-dessus des portes de ces asiles des inscriptions qui annoncent leur disparition prochaine. Car si, la Révolution finie, nous avons encore des malheureux parmi nous, nos travaux révolutionnaires auront été vains » (4 nov. 1793). Le rapport de Barrère (6 mars 1794) présente d’après ces vues un vaste plan de pensions et de secours à domicile, qui ne devait laisser aucun vieillard, aucun infirme, aucun malade sans assistance sur toute l’étendue de la République. Il reprenait en réalité la doctrine de la Constituante sur le droit des pauvres. « Oui, je parle de leurs droits, parce que, dans une démocratie qui s’organise, tout doit tendre à élever chaque citoyen au-dessus du premier besoin : par le travail, s’il est valide ; par l’éducation, s’il est enfant, et par le secours, s’il est invalide et dans la vieillesse. N’oublions jamais que le citoyen d’une république ne peut faire un pas sur son territoire sans marcher sur sa propriété. » Ce plan ne reçut qu’un commencement d’exécution, nous avons vu comment ; mais la Convention se crut autorisée par le vote du projet à laisser l’alienation des biens des hôptaux reprendre son cours (11 juillet 1794). Les revenus de ces maisons étaient donc des plus étroits à la fin de la Révolution, leur dénuement était absolu et la plupart des