Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/209

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dû périr comme lui et les siens, pour la cause la plus belle, celle du bonheur commun ! » Et il lui fait jurer sur la grande épée de ne jamais abandonner les intérêts du peuple. La scène a certainement été arrangée par Gracchus Babeuf, mais qu’il y ait eu dans son âme comme dans celle de Rousseau un fonds de souvenirs de Plutarque, cela n’est pas pour nous étonner.

Petit clerc, commis chez un commissaire à terriers, peut-être domestique dans une famille noble, François-Noël ne néglige aucune occasion de s’instruire. Il se fait aimer ; la femme du commissaire à terriers se plaît à lui nouer des rubans dans les cheveux. Il est bon fils la détresse de sa famille ne cesse de lui serrer le cœur et il écrit à son père une lettre touchante où il refuse de rien accepter de lui. « Non, mon père, je n’entends pas que vous ajoutiez à vos privations, déjà si grandes, et je crois que vous ne trouverez pas mauvais que je refuse vos offres trop libérales ; si peu que vous voudriez me donner, cela vous gênerait trop… » Même il projette de faire des démarches pour obtenir la réintégration de son père dans le corps des fermes royales.

Son père mort (1781), il épouse « après s’être approché des sacrements de pénitence et d’eucharistie » la fille de chambre du comte de Bracquemont, chez lequel il est lui-même domicilié. « Il est faux que ma mère fût femme de chambre, » écrivit plus tard Émile Babeuf, fils du conspirateur. L’acte authentique qui nous a été conservé ne nous permet pas d’en douter. Émile Babeuf ajoute qu’elle fut femme dévouée et excellente mère ; il a manifestement raison. Cette « femme de la nature, » comme l’appelait son mari, avait peu d’orthographe mais elle supporta vaillamment les tribulations que lui imposa la vie aventureuse de Gracchus et ne manqua à aucun de ses devoirs.