Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/265

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oublié que ce fut notre serment. Vos ennemis vous forceront (un jour) à en venir aux mains. En y procédant d’une autre manière qu’ils ne l’entendent, vous employez le dernier moyen de sauver la Patrie. Je vous ferai donc, malgré vous, s’il le faut, être braves. Je vous forcerai à vous mettre aux prises avec nos communs adversaires… Hommes libres ! Je ne suis point imprudent… Je ne suis point prématuré. Vous ne savez point encore comment et où je veux aller. Vous verrez bientôt clair à ma marche et ou vous n’êtes pas des démocrates, ou vous la jugerez bonne et sûre. »

En cessant d’être un simple instrument de propagande légale, en prenant le premier rôle, Babeuf inaugurait une phase nouvelle de la conspiration : il en faisait une machine de guerre dressée pour la destruction du Directoire et de la Constitution. Il lui assignait pour but de préparer résolument l’attaque à main armée. Dès lors une organisation très centralisée, presque militaire, s’imposait. Le 10 germinal an IV (30 mars 1796) un Directoire secret de salut public était constitué ; il se composait de Babeuf, d’Antonelle, de Sylvain Maréchal et de Félix Le Peletier, bientôt après de Buonarroti, de Darthé et de Debon. Aussitôt il nomma des agents et rédigea des instructions. Babeuf poussait son duel avec le Directoire : il élevait autorité contre autorité, gouvernement contre gouvernement.

Du même coup les parlementaires passaient à l’arrièreplan. Amar, qui avait fourni des fonds au parti dès la formation du premier comité, disqualifié par l’intervention d’Héron, n’est plus autorisé qu’à travailler dans le rang au succès de l’entreprise. Jusqu’à la fin c’est le numéro 42 du Tribun qui nous apporte ce témoignage — Babeuf se défiera de la collaboration des hommes ayant acquis antérieurement quelque notoriété. « Jamais », dit-il, « il ne sera rien fait de grand et de digne du peuple, que par le